Le billet précédent " Les restrictions et interdits alimentaires" suscite, par la gravité des anecdotes rapportés, une réaction de mise au point, pour les uns, de mise à niveau pour les autres. Il n'est pas prétentieux de le faire. Car, il faut bien mettre les prohibiteurs (interdiseurs) au niveau des insuffisants rénaux dialysés. Loin de moi l'idée de solliciter leur empathie à l'égard des patiens dialysés. Il s'agit d'avoir à leur endroit une démarche on ne peut plus humaine qui tienne compte des besoins alimentaires de leur organisme. C'est le principe même de l'alimentation équilibrée. C'est aussi l'objectif de l'alimentation. Les patients dialysés ont besoin, du fait de leur ignorance ou de leurs peurs, d'informations nécessaires pour vivre avec leur pathologie. Sans jeûner, sans se priver en permanence de certains aliments. Il leur faut surmonter leurs peurs, savoir ce qu'il y a dans les assiettes, à quel moment consommer les aliments "prohibés". A ce sujet, le commentaire de mtb44 dans le billet précédent est assez édifiant et explicite. Il s'agit d'une appréciation et de conseil d'une personne expérimentée confrontée aux multiples problèmes et blocages alimentaires des dialysés. Je voudrais qu'on se mette d'accord sur une certaine termilogie courante qui porte parfois à confusion.

1. L'alimentation.

L'alimentation est le fait d'apporter des aliments à l'organisme. C'est l'action de nourrir ou de se nourrir. C’est ce que fait la ménagère, l’épouse ou l’époux (pourquoi pas ?) ou la restauration publique au quotidien. En d’autres termes, l'alimentation est un procédé par lequel l'organisme assimile les aliments ingérés en vue de son propre fonctionnement. L’alimentation apporte des glucides (sucres), des protides, des lipides, des sels minéraux et des vitamines. L’ensemble de ces matériaux est désigné sous le terme de nutriments, c’est-à-dire, les plus petites parties (ensemble de molécules) des aliments digérés et assimilés par l’organisme. Pour assurer un bon fonctionnement de l’organisme, l’alimentation doit être variée, équilibrée, balancée. Elle doit être variée et équilibrée parce que différents aliments sont plus riches les uns que les autres en nutriments (glucides, protides, lipides, sels minéraux, vitamines). Par exemple, certains aliments sont plus riches que les autres en acides aminés essentiels. Il existe, au total, 20 acides aminés connus chez l’homme. Parmi les vingt, huit (08) seulement sont dits essentiels. Ce sont : isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, tryptophane, thréonine, valine. Ils sont dits essentiels parce que l’organisme ne peut en fabriquer. Par conséquent ils doivent être apportés journellement par les aliments (ou l’alimentation). En général, tous les aliments d’origine animale (viande, poisson, œufs, etc.) contiennent tous les acides aminés essentiels. Ça n’est pas le cas pour les végétaux. Les végétariens, ainsi que certaines populations devraient connaître les aliments qu’ils consomment et leurs apports. Plus facile, ils devraient associer plusieurs légumes et légumineuses dans leur assiette. Ainsi, l’acide aminé manquant dans l’un des aliments est apporté par l’autre. Cela est d’autant plus indispensable que le manque d’un seul acide aminé essentiel dans l’organisme bloque la synthèse (la fabrication) des protéines de l’organisme. Il y a donc, nécessité de combiner des sources protéiques variées d’acides aminés.

Illustrons ce propos par deux exemples, concernant deux types d’alimentation : en Méditerranée et en Afrique. Dans le premier cas, Méditerranée, le froment (coucous) est riche en méthionine et carencée en lysine. La combinaison du couscous avec les pois chiches, riches en lysine, mais pauvres en méthionine, permet de pallier au manque de lysine. Dans le deuxième cas, Afrique, le mil, le sorgho (céréales) sont pauvres en lysine, mais riches en méthionine. Leur combinaison avec les haricots, riches en lysine, mais pauvres en méthionine, résout le problème d’apport de la lysine. Qu’advient-il s’il manque un de ces acides aminés essentiels ? La première chose, précisément, le premier couac, c’est que la machine fabriquant les différentes protéines du corps, indispensables à des processus biologiques et à la régénération des cellules est bloquée. Normal ! Il n’existe pas de stock où elle pourrait aller puiser, comme l’organisme le fait pour les sucres, les lipides, par exemple. Il se crée des déséquilibres et des désordres biologiques pouvant être à l’origine de diverses pathologies. Un exemple vient illustrer ce dernier propos. Admettons que les rations (quotidiennes) du dialysé ne lui apportent pas (ou très peu) de tryptophane. C’est un acide aminé présent dans le riz complet, les légumineuses (haricots, lentilles…), le soja, les arachides, noix de coco, la banane, le chocolat, les produits laitiers, et bien sûr, la viande, le poisson et les œufs. La carence ou l’apport insuffisant de tryptophane se traduirait par un défaut de fabrication (synthèse) de la mélatonine, hormone du sommeil. Le dialysé aggrave ses états d’insomnie. Le tryptophane intervient aussi dans la synthèse de la sérotonine, une hormone qui régule au niveau des neurones (cellules nerveuses) l’humeur, le comportement alimentaire et nous prépare au sommeil. L’effet immédiat d’une carence est l’apparition chez le patient dialysé du stress, de la fatigue psychique, de l’effritement du moral, et bien entendu, des troubles de sommeil. Ces symptômes s’installent également en cas d’apport insuffisant en calories (régime hypocalorique). Attention aux régimes amaigrissants ! Soit dit, en passant. Revenons aux éléments nutritifs (nutriments) indispensables à notre organisme.

Outre les acides aminés essentiels, il existe d’autres éléments nutritifs indispensables que l’organisme ne peut fabriquer. Il doit par conséquent, les trouver aussi dans l’alimentation. C’est le cas des sels minéraux, des vitamines. Les vitamines sont des substances nutritives dont l’organisme a besoin en quantités infinitésimales, mais combien importantes sont-elles pour son fonctionnement ! Il n’y a que la nourriture qui peut les lui apporter. Exemple, les vitamines A, D, E, K… dits vitamines liposolubles parce qu’ils se dissolvent dans les graisses. C’est pourquoi, on les trouve dans les aliments d’origine animale (viande, poisson, beurre, foie etc.). La vitamine E, est connue pour ses vertus d’anti-oxydant, efficace contre le vieillissement des cellules cutanées. La principale source de la vitamine E est l’huile de palme non raffinée : 105mg pour 100g d’huile. Cette huile est beaucoup consommée en Afrique dans les préparations culinaires. Elle vient en second rang après l’huile de germe de blé (133mg/100g) pour sa teneur en vitamine E. Certaines vitamines peuvent être fabriquées par la flore intestinale, c’est-à-dire, les microbes normaux et saprophytes du tube digestif. Ainsi, la vitamine B6, produite en quantité insuffisante et la vitamine K.

En somme :

Une alimentation équilibrée est indispensable à tout organisme, particulièrement à des personnes vulnérables atteintes de maladies chroniques ; comme les insuffisants rénaux dialysés. L’alimentation doit être balancée. Cette expression pourrait être confondue avec celle de « l’alimentation équilibrée ». On dit que l’alimentation est balancée lorsqu’elle apporte à l’organisme, une quantité de nutriments assimilés égale à celle des principes nutritifs désassimilés. Il doit avoir, donc, une balance des flux nutritionnels. Afin de pallier à d’éventuelles carences de protéines de l’organisme induites par un apport insuffisant en acides aminés essentiels et prévenir les différents troubles et pathologies liées à ces carences, il est indispensable de combiner les sources protéiques. Autrement dit, il est indispensable de varier son alimentation. Les restrictions draconiennes et les interdits (peu défendables) auxquels les insuffisants rénaux dialysés /transplantés sont soumis ne sont pas de nature à favoriser l’usage de cette diversité de sources alimentaires.

2. La nutrition

La nutrition est, par contre, un domaine scientifique. C’est l’étude des nutriments et de leur utilisation par l’organisme en vue d’un meilleur fonctionnement. C’est grâce à elle que nous savons combien d’apports quotidiens avons-nous besoin en nutriments. En effet, la nutrition détermine les apports journaliers recommandés pour éviter des situations de carence et des dysfonctionnements de l’organisme. Cette branche de la nutrition s’appelle la physiologie nutritionnelle. Sa connaissance est importante pour mieux gérer les apports alimentaires des patients fragiles comme les dialysés. En principe, les personnels de santé, du médecin à l’infirmière, sont imprégnés, de par leur formation, de ces données basiques. Ils peuvent, en toute confiance, donner des conseils utiles aux patients. Ils ont les moyens pour éviter les errements et les blocages alimentaires des patients mal informés. Un autre sous domaine de la nutrition est la nutrition en santé publique. C’est la branche qui est consacrée aux rapports entre la nutrition et l’état de santé de la population, d’une part, entre la nutrition et les maladies sévissant dans la population, d’autre part. Elle relève beaucoup plus de la santé publique que de la médecine hospitalière. On n’en voudrait pas au clinicien s’il n’informe pas son patient de la prévalence de l’obésité, des maladies cardiovasculaires et du diabète, par exemple, dans la population française. Mais le médecin soignant a quelque chose à se reprocher s’il ne fait rien pour prévenir ces maladies et donner les informations utiles, nécessaires et adéquates à son patient. Dans le cadre de la nutrition, prévenir équivaut à préciser les apports quotidiens nécessaires et à donner les informations sur les risques d’une nutrition déséquilibrée. Sans oublier les conseils objectifs sur les aliments conseillés. Le régime alimentaire (diététique) d’un dialysé revêt une importance particulière.

3. La diététique

La diététique est l’ensemble des régimes alimentaires prescrits (diète). En tant que branche de la médecine, la diététique se définit comme la science qui a pour objet l’hygiène alimentaire individuelle. Elle prescrit des règles à suivre dans le régime alimentaire (diète) pour conserver son état de santé, l’améliorer ou pour prévenir des maladies et leurs complications.

La diététique utilise, donc, les données de la nutrition pour conseiller ou prescrire des régimes adaptés. L’insuffisant rénal dialysé ou transplanté doit consulter une diététicienne pour son régime alimentaire. L’organisation en France est telle qu’il y a une diététicienne ayant en charge les questions alimentaires des patients hospitalisés d’un ou plusieurs services. Elles ont un volume de travail important. Il me semble que leur préoccupation première est de mettre à disposition des patients hospitalisés des régimes alimentaires variés et équilibrés. C’est dire, qu’elles voient globalement les régimes alimentaires. Le patient dialysé doit toujours se faire connaître comme tel dans le service où il est hospitalisé. Un régime adapté à sa pathologie lui est alors proposé. Parfois, la diététicienne se rend à votre chevet pour composer avec vous-même votre menu. J’ai eu droit à cette agréable attention particulière dans certains services de Paris et de la région parisienne. Je reste marqué par la gentillesse, la sollicitude et le dévouement du personnel et de la diététicienne du service de cardiologie du Docteur Florence Durup, à Longjumeau. Le dialysé devrait, malgré tout, faire attention aux plats qu’on lui sert à l’hôpital. Il n’est pas toujours tenu compte de son régime particulier. Des plats d’aliments riches en potassium sont souvent proposés (lentilles, haricots, pommes de terre vapeur, potages etc.). Tout dépend de l’aide soignante qui enregistre les commandes. La prudence et la vigilance sont de rigueur. Vous êtes d’abord le premier à assurer votre propre hygiène alimentaire.

Somme toute, l'alimentation doit être variée, équilibrée, balancée, le régime alimentaire - adapté, raisonnable permettant d'éviter des situations de carence, de troubles alimentaires et de pathologies associées. La nutrition sert d'outil scientifique qui aide à mieux s'alimenter sur la base des apports quotidiens recommandés. Ses données sont précieuses pour comprendre la composition des aliments en nutriments. Elles sont nécessaires pour choisir ses propres sources alimentaires. Une combinaison, une variation (diversification) de ces dernières est vivement recommandée. Et si le dialysé, enchevêtré dans la toile des interdits et restrictions drastiques, peut tricher (dixit mtb44 dans "commentaires") pour se faire plaisir avec des aliments qu'il préfère, je ne trouve aucun mal. Aucun. A condition de savoir la composition de ce qu'il mange. Africadialyse vous en dira plus !